expo zéro

Crédits / Credits

TO POGO OR
NOT TO POGO

Boyan Manchev

TO POGO OR
NOT TO POGO

Métalogue post-punk, ou notes préparatoires pour

un atelier pogo[1]

Pour Valda, Kattrin, Thomas et Nikolaus

‟J’ai commencé à danser. Je voulais défier la gravité.”

Amyl Nitrite dans Jubilee de Derek Jarman

Dramatis Personae (par ordre d’entrée en scène)

Pogologo : pogoïste convaincu ayant connu les débuts.

Pogographe : historienne amateur du pogo. Prend parfois l’apparence et la voix de Valda Setterfield.

Pogosopho : supporter philosophique et idéologique du pogo. Il a plusieurs voix.

Antipogosophe : expert en pogo et critique convaincu.

Antipogo : l’ennemi.

Pogogogo : celui qui est simplement pour.

POGOLOGO

Qu’est-ce que le pogo ?
Lequel est pogo ?

À qui est pogo ?

Où est pogo ?

Pourquoi pogo est-il ?

Combien mesure le pogo ?

Pourquoi le pogo pogote-t-il ?

Pourquoi le pogo ne pogote-t-il pas ?

pogopogopogo

POGOGRAPHE (avec la voix de Valda Setterfield)

Selon Wikipédia et d’autres sources pas tout à fait fiables, anonymes et/ou apocryphes, le pogo est une danse consistant à faire des sauts en l’air tout en essayant de rester sur place. Dans sa version originale, les danseurs gardaient les jambes rassemblées et les bras rigides, les mains proches du corps. Les positions et mouvements de base pouvaient aller de la rigidité à des mouvements violents (agiter le torse dans tous les sens, battre des bras, donner des coups de pieds, sauter dans n’importe quelle direction, ou tournoyer en l’air). Les danseurs entraient parfois en collision, ce qui pouvait donner l’impression qu’ils s’agressaient les uns les autres. Mais le pogo est en général considéré comme une distraction, non comme un combat.

S’il faut en croire la légende (et SV lui-même), Sid Vicious a inventé le pogo pour une raison très simple : excité, il voulait danser à un concert des Sex Pistols mais comme il ne savait pas danser du tout, il s’est mis à sauter de haut en bas, bondissant autour de la piste. Une autre version de la légende prétend qu’il était en fait coincé derrière – alors le grand gars s’est mis à sauter pour essayer de voir le concert du groupe qu’il allait bientôt rejoindre. C’est ainsi qu’est né le pogo.

POGOSOPHO (1re voix)

Bien entendu cher public cultivé, comme nous le savons tous parfaitement, quiconque prétend avoir inventé une nouvelle pratique culturelle est un foutu mégalomane – ce qu’était de fait Sid Vicious. Le pogo n’a pas d’inventeur. Comme toute forme nouvelle, c’est une accumulation historique de forces, de talents humains et d’efforts collectifs véhiculés au travers d’outils spécifiques – inscrite dans un contexte social donné, dans un système de relations de pouvoir bien déterminées. Donc Sid Vicious ne faisait qu’articuler un accomplissement collectif, l’invention d’une multitude, d’une classe ou d’un groupe de gens. ‟Son” invention n’a de sens que parce qu’une foule de gens était là derrière – des gens qui pouvaient s’identifier à ce nouvel outil, pour l’utiliser, l’améliorer et le disséminer.

POGOSOPHO (3e voix)

Cependant, les origines du pogo remontent aux danses rituelles de la foi pentecôtiste et aux tribus africaines. C’était une nouvelle tentative de critique radicale des schémas culturels, d’inversion des hiérarchies, et de prise de pouvoir symbolique par assimilation de techniques culturelles ‟primitives”. Par conséquent, c’est aussi une expression de la différence culturelle : pas d’une différence ‟faible” ou ‟douce” cherchant à être universellement reconnue et ainsi assimilée, mais d’une différence irréductible : le pouvoir ‟chtonien” du ‟primitif”, du ‟sauvage”, de l’anthropophage, de l’autre dangereux, superbement dangereux, de l’autre supprimé et annihilé, dont a sonné l’heure de la vengeance : le retour des morts.

POGOSOPHO (2e voix)

Oui, c’est vrai, le pogo n’a pas d’auteur. Mais il n’est pas seulement le résultat d’une ‟accumulation” collective. Comme toute invention véritable, il n’est pas l’effet d’un ensemble donné de causes, mais plutôt de leur interruption. Il est une rupture de la chaîne de causalité et des régimes banals de l’être. L’invention nouvelle est toujours un acte subversif, dans la mesure où elle problématise la situation figée, le statu quo du champ spécifique dans lequel elle émerge ; elle déstabilise le rapport des forces en présence, et par conséquent mine les constellations de pouvoir. Elle a un potentiel de construction de mondes. Voilà pourquoi toute nouvelle invention dispose d’un potentiel révolutionnaire.

Et le pogo est précisément le parfait exemple d’une telle invention : il dit NON à une tradition et à une histoire millénaires ; son énergie nihiliste ne transperce pas seulement une convention donnée – une technique ou une forme de danse historique donnée – mais la convention de la danse en tant que telle. Et ce n’est pas seulement un geste nihiliste pour le plaisir d’accomplir un geste nihiliste – comme nous l’avons souvent entendu reprocher à Dada – mais un geste véritablement émancipatoire, un geste politique en soi. Pourquoi ? Laissons POGOLOGO parler de cela. Il est plus éloquent que moi : il est authentique.

POGOLOGO

Pogo est une Révolution, Pogo est Subversion. Pogo est Résistance. Nous voulons Pogo comme nous voulons la liberté. Nous voulons détruire la danse pour nous débarrasser de la technique des professeurs de danse super cool branchés, de la hiérarchie de la discipline et de l’ordre, de la culture et des musées, nous voulons la liberté nous voulons l’énergie nous voulons notre vie, notre propre être authentique.

L’énergie de sauter de s’échauffer de se concentrer dans le mouvement sans s’étendre sur la technique c’est une joie c’est sentir son corps c'est défier la gravité.

CHŒUR (POGOLOGO et la 3e voix de POGOSOPHO)

Le pogo n’a pas été inventé par une personne (si quiconque l’a inventé) ou par beaucoup. Le pogo n’est l’invention de personne. Le pogo n’est l’invention d’aucun corps – no body. Il était simplement là, là dans l’air à attendre un corps. (1re voix de POGOSOPHO : Est-ce que cela veut dire qu’il a une origine transcendentale ?) C’est l’axe de la gravitation perdant son poids. C’est l’intensité du mouvement sans technique. C’est la danse du ‟non” avec no-body, c’est à dire que c’est une danse du corps seulement. La danse du corps. La danse des corps.

POGOSOPHO seul

Par conséquent : des deux versions de la légende, les seuls éléments qui restent pertinents et révélateurs sont que le pogo est né comme l'effet d’une impossibilité initiale de danser, comme une expression directe du désir de danser, une contamination collective, comme une contamination créant une frénésie collective – un corps mouvant collectif : la contamination du ‟NON”. Négativité de la danse – la négativité comme danse. Négativité dansante, technique anarchique. Anarcho-technique.

LE CHŒUR ENCORE

Le pogo n’est pas une danse, LA NON DANSE DU POGO.

Le pogo est la danse du NON.

Le pogo est Zéro Danse : le degré zéro de la danse.

Seule la danse du pogo est une non-danse.

Bande de foutus connards, on va tous vous fracasser rien qu’en sautant !!!

ANTIPOGO

Bande de putains de minables, vous finirez tous dans le caniveau !

ANTIPOGOSOPHE

Vous les pro-pogoïstes, vous n’êtes que des ontologistes négatifs. Vous êtes les vrais croyants de la force du NON – mais NON c’est tout simplement rien. Pas un Rien splendide massivement destructif apocalyptique, mais juste rien, rien du tout.

Toutes vos excuses ne sont rien d’autre qu’une mystification onto-phénoménologique, ou plutôt, une mythification.

CHŒUR des pro-pogoistes

POGO n’est pas RIEN. POGO est tout, dès le début : parce que c’est une explosion d’énergie vitale. C’est une manifestation immédiate de la vie, sans scène ni cadre.

POGO est le DADA de la danse : PAS DE DANSE EST DADANSE. (Dans nombre de langues slaves, ‟DA” signifie ‟OUI” : Tristan Tzara le savait très bien. Mais dans d’autres langues, comme le BG[2], il signifie plutôt la négation : ‟DA” est affaibli par la répétition. ‟DA-DA” veut dire quelque chose comme ‟VRAIMENT ?”, lorsqu’il est prononcé avec une intonation ironique ; quelque chose comme le ‟Non-Non” français, qui se change en affirmation. ‟DA-DA” est le pouvoir négateur du ‟OUI” : donc POGO est !)

ANTIPOGOSOPHE

Ça c’est juste de l’obscurantisme poétique sous sa forme dangereusement vitaliste. Il n’y a pas d’authenticité, nous ne sommes pas des sortes d’animaux enfermés essayant désespérément de s’évader de leur cage. Nous n’essayons pas de restaurer un quelconque être primaire à l’expression immédiate : ce serait un état de violence stupide, de guerre de tous contre tous. Nous avons toujours été des êtres culturels, notre nature est culture. Par conséquent, il n’y a pas moyen d’échapper aux techniques culturelles. L’histoire de l’humanité toute entière n’est qu’un processus de remplacement d’un schéma culturel par un autre, d’un talent social ou technique par un autre. Et peut-être qu’il n’y a pas de progrès dans ce processus de remplacements constants. Chaque technique ne peut être mesurée qu’à l’aide de sa propre mesure, elle même dérivant de son propre outillage, parce que chaque technique conçoit un monde différent. Il n’y a pas de techniques meilleures ou plus mauvaises que d’autres.

Par conséquent, votre ‟non-danse” n’a pas aboli la danse (si l'on considère toutefois que c'était de la danse !). Votre danse bancale n’est rien de plus qu’une autre danse ; elle ne sort pas du cadre de la technique : votre non-technique primitive n’est qu’une autre technique. Oui, c’est une technique de danse de plus, qui prétend être une non-technique, l’expression immédiate d’un état vital, une expression primaire ou une ‟technique authentique”. Mais ces mythes expressionnistes rétro-utopiques sont aussi vieux que la culture elle-même. La nostalgie d’un état primitif perdu, d’une vie authentique, et de l’art comme son expression véritable existe depuis le début de la culture. La modernité a radicalisé cette obsession archaïque, l’a transformée d’idylle en sacrifice. Donc votre ‟danse du non” n’est ni le premier ni le dernier de tous ces mots d’ordre : ‟abolissements de la culture”, ‟restaurations de l’être authentique”, ‟la vie telle qu’elle est”, ou ‟la vraie vie”. En réalité, comparé aux tentatives modernes radicales d’exprimer la vie sans la médiation des techniques (et) de la scène, votre pogo n’est qu’une sorte de divertissement soft. Voilà pourquoi la danse du ‟non” n’est pas devenue non danse.

POGOSOPHO (1re voix)

Je rejette la critique sophistiquée d’Antipogosophe. Quiconque n’a pas une fois dans sa vie reçu un coup dans le bras ou dans la poitrine, ne s’est pas blessé la cheville en donnant des coups de pied dans tous les sens ne peut rien comprendre au POGO. Ce n’est pas une question de technique, c’est une question de désir. Ceux qui détestent à ce point l’expression n’ont jamais dû expérimenter le désir. Que signifie le désir ? Que fait le corps lorsqu’il ressent son état de désorganisation illimitée, son étonnant désordre ? Le corps lui-même est une technique désorganisée, il est passion, colère, émotion, il a besoin de se mouvoir, de harceler brutalement l’espace, d’entrer en collision et en relation avec d’autres corps, de modifier les conditions climatiques, de sentir ce monde plus intensément.

Réécoutez Amyl Nitrite, son discours au début de Jubilee : ‟Faites de vos désirs des réalités. (…) Lorsque vos désirs deviennent réalité, vous n’avez plus besoin de fantasme, ni d’art”. Le désir est la force de la vie. Là où le désir explose, il n’y a plus besoin de l’art. Le désir conduit à l’expression, et l’expression met fin à l’art. La prédiction de Hegel ne se réalisera pas sous la forme de la religion, mais du POGO.

Pour cette raison, je me demande si le fait de pogoter dans le cadre d’un festival de danse, dans l’espace d’une institution artistique, ne risque pas – au lieu de nier ou de détruire les objets du musée (comme nous invite à le faire le concept d’expo zéro) ou de problématiser le méta-objet de l’institution artistique elle-même – d’enfermer le pogo dans un cadre, de l’affaiblir, de le réduire au statut d’objet culturel. L’espace de l’institution n’est pas innocent. Une fois qu’on y est entré, il dicte ses normes, impose ses conventions – ses manières de voir, de montrer et de réfléchir à ce qui a été vu ou montré. C’est une question de production, de contexte, de modes, d’âge, de politiques de groupes et de politiques de partis, une question de compromis et de négociations, de projets et d’administration.

Du coup, est-ce que vous ne risquez pas de contaminer la danse punk en la mettant en scène dans une institution artistique, au lieu d’injecter un peu de rythme punk dans l’institution ? Oui, je sais, vous l’entendez comme un acte de critique institutionnelle – mais le problème est qu’une fois intégré dans l’espace immunitaire de l’institution, un geste artistique radical n’est-il pas aussitôt immunisé, absorbé, assimilé, et son pouvoir subversif et critique normalisé, objectifié voire aseptisé ?

POGOSOPHO (2e voix)

Oui, vous avez raison sur le principe, mais réfléchissez à ceci : il y a des limites à cette possibilité de réduction, d’aseptisation ou d’‟intégration positive”. La possibilité d’actes artistiques radicaux, réellement subversifs, voire destructifs au sein des institutions existe encore. Pensez à certains des grands scandales de l’art performatif : demaskierung, l’action ‟terroriste” de Mike Hentz à De Appel en 1978. Pensez aussi à l’infâme Concerto for Voice and Machinery de Einstürzende Neubauten, à l’ICA de Londres en 1984, pendant lequel ces musiciens industriels ont essayé de démolir le sol à l’aide de marteaux-piqueurs, ou à Otto Muehl et à ses activités post-artistiques de création de communautés. Au moins, ça ne ressemble pas aux sous-vêtements de Tracey Emin.

De plus, nous devons poser la question : pourquoi les institutions culturelles seraient-elles nécessairement nos ennemies ? Ne sont-elles vraiment que des instruments de pouvoir, une partie de ce ‟système” anonyme et quasi mystique ? Et ce discours sur le système n’est-il pas juste un discours obscurantiste cherchant à compenser ou à voiler le manque de force critique, de courage et de détermination – l’impuissance révolutionnaire des critiques radicaux auto-proclamés du ‟système” ? Nous avons besoin d’une analyse politique et culturelle plus profonde, d’une prise de conscience de la multiplicité des forces et des hiérarchies en jeu dans ces conflits. L’institution per se est un outil ; elle n’est pas l’ennemie en tant que telle.

D’autre part, l’art n’est-il pas une institution en soi : un champ de forces, de schémas, de talents et de relations, nécessairement formés dans un contexte social, et déterminés par lui ? Le discours sur l’art en tant que radicalement étranger aux institutions, substantiellement opposé aux institutions, en tant qu’expression d’un unique individu absolu – ahistorique, atemporel, asocial –, est non seulement autiste ou égocentrique, mais aussi hypocrite. Ce discours n’est souvent rien d’autre que le discours de pouvoir de l’artiste reconnu, exposant l’aura de son autonomie ‟sacrée” dans les médias, tout en déclarant qu’il ne dépend pas d’eux. À défaut d’autre chose, Warhol a rendu une telle prétention grotesque. Oui, l’artiste pourrait, devrait attaquer et même violenter les outils d’aseptisation et d’abêtissement – dont les relais sont aujourd’hui les médias, ainsi que de nombreuses institutions culturelles qui incarnant ce qu’on pourrait appeler le capitalisme culturel de la société du spectacle. Mais il doit le faire sans remettre en scène ces mythes archaïques qui précisément ont été instrumentalisés et capitalisés par le monopole médiatique et les institutions du spectacle.

Par conséquent, nous avons besoin d’un combat politique pour et non contre les institutions, afin d’être capables d’institutionnaliser, sans le réduire, le pouvoir créatif et critique dont nous sommes responsables. Oui, il nous faut abolir l’institution rigide, monumentale, et répressive du passé, il faut la transformer – mais pas seulement pour laisser place à l’institution fluide et créative du néo-libéralisme, qui labellise tout acte artistique authentique et le transforme en ‟lifestyle”, corrompant jusqu’à ses conditions de possibilité. Nous avons besoin d’une institution an-archique paradoxale, un espace de liberté et de création sans compromis. Ainsi, le pogo pourrait lui aussi devenir un acte transformateur puissant, poussant l’institution à se dépasser, à restreindre son pouvoir constituant.

ANTIPOGOSOPHE

Ha ha ha, le potentiel révolutionnaire du saut ! Là où se trouvait la Bastille, sautons ! Allons-y, sautons à ground zero !

Le Pogo n’était qu’une forme alternative et un peu plus agressive de divertissement, pas une forme de protestation – rien de plus qu’un style violent de culture de rue ou de boîte de nuit. Le punk n’était que ça. À l’époque où les jeunes de Paris, de Prague, d’Italie et d’Allemagne se battaient dans les rues, rejoignant des organisations politiques radicales, jetant des pierres ou des bombes, les mômes anglais n’étaient obsédés que par la mode. Et le punk n’était-il pas juste une mode ? Son véritable inventeur n’était-il pas le propriétaire d’une boutique de mode appelée Sex : Malcolm McLaren accompagné par Vivienne Westwood ? Au fait, saviez-vous que Johnny Rotten achetait des fringues là-bas, et que c’est précisément là qu’il a été repéré par les gérants avisés, et choisi pour devenir le visage du mouvement ? Rotten était un pur produit de management ! Avant d’incarner l’idiotisme anarchique, il n’était qu’un consommateur, une fashion victim, un dandy de la classe ouvrière. Vous trouverez peut-être ça choquant, mais l’origine de votre mouvement crypto-révolutionnaire est à trouver dans le consumérisme.

Vous prétendez que le punk a été labellisé, aseptisé, récupéré par la société bourgeoise de consommation. Mais le punk n’était rien d’autre qu’un label dès le départ ! Les grimaces de lumpen-prolétaire psychotique de Johnny Rotten ne sont que divertissements de sale môme comparées aux actions sanglantes des actionnistes viennois, ou aux véritables artistes politiques risquant leur santé voire leur vie en pratiquant leur art : pensez plutôt à Gina Pane ou à Maciunas.

Ainsi, vous prétendez produire un événement culturel zéro, réaliser une expo zéro, c’est-à-dire une critique culturelle radicale – mais en fait vous vous apprêtez seulement à re-produire une culture de mode.

POGOLOGO

Oui aujourd’hui le punk est branché, il a l’air cool. Vous trouvez partout des boutiques ‟punk” au design impeccable – et très chères soit dit en passant. Même les grands magasins de Paris, ces temples du consumérisme bourgeois, ont ‟célébré” récemment le 30ème anniversaire du punk. Pouvez-vous imaginer cela ? Eh bien, le punk se vend aujourd’hui – et apparemment il se vend bien. Imaginez des vieilles ou des jeunes tapettes – le genre qui panique facilement en croisant dans la rue un SDF, un chien errant ou un vrai vieux punk –, portant un t-shirt Anarchy in the UK ou Punk’s not dead ou No Future. Merde ! Aujourd’hui Lady Gaga est ‟punk”. Tout le trash sexy (sexy ? vraiment ?) aujourd’hui est ‟punk”. Ouais, nous allons démolir tous ces cons. Nous allons rendre au punk son côté dangereux. Nous avons besoin de crasse et de sueur ici, pas de chic alternatif et de parfums coûteux. La révolution des corps a besoin de chevilles cassées ! Ou de têtes coupées ? Ha ha ha ! Flirter avec le danger.

ANTIPOGO

Bande de putains de punks, vous allez tous finir dans le caniveau !

POGOSOPHO (2e voix)

Oui bien sûr Antipogosophe, tu devrais lire l’histoire du punk plus attentivement, puisque j’imagine que tu ne l’as pas vécue. Ou est-ce que je me trompe ? Et l’histoire te montrera qu’effectivement, le punk est devenu célèbre en Grande-Bretagne en tant que culture urbaine alternative, avec un côté théâtral et spectaculaire très affirmé (incluant ce que tu appelles ‟mode”). Oui c’est vrai, on peut dire que la mode punk ou la punk-fashion a été inventée par Malcom McLaren, impresario et terroriste auto-proclamé. Mais Malcolm McLaren n’est pas notre héros. Nous ne voulons plus de héros !

Cependant, lis l’histoire plus attentivement, et n’oublie pas que McLaren n’a pas inventé le punk. Il a juste eu la brillante idée commerciale de le ‟transporter” par dessus l’océan, depuis New York. En fait, l’histoire documentaire nous dit que McLaren était fasciné par le look punk-dandy de Richard Hell (Hell fut le premier à adopter une coiffure en pointes et à porter des chemises déchirées, souvent tenues ensemble par des épingles de sûreté) et qu’il a lancé ce look par le biais de sa boutique Sex (tout particulièrement les vêtements à épingles de sûreté) et du groupe qu’il avait formé (groupe calqué sur le look de Hell[3] et conçu initialement – ainsi que son nom l’indique – comme une extension promotionnelle de la boutique). Mais cela veut dire que même ce style – ce look qui l’obsédait – a été volé à la scène proto-punk de down town New York. L’invention personnelle de Richard Hell a été importée en Angleterre en tant qu’emblème du punk. McLaren n’a été rien de plus qu’un agent de transmission culturelle : un agent intéressé mais tout de même un agent.

Voilà comment McLaren a volé, labellisé et commencé à vendre le look punk à Londres. Mais les gamins de la classe ouvrière l’ont repris rapidement (de la même façon que les Pistols ont pris le contrôle du groupe et ont foutu à la porte l’imprésario post-situationniste). Ce fut un moment rare : une explosion violente, une éruption d’énergie subjective, de subjectivation collective et créative rarement vue dans les rues. Les dandys teen-agers autodidactes n’étaient pas seulement intéressés par la mode ou le ‟style de vie” : ils créaient des outils nouveaux, de nouveaux modes d’expression, par conséquent de nouvelles armes. Ils expérimentaient des formes de vie ; ils se battaient pour leur forme de vie. Ils criaient leur colère, leur ‟NON”, haut et fort et parfois de façon auto-destructrice. ‟NON” à Mrs Thatcher et compagnie, au monde suffocant des sales marchands spéculateurs prêtres à l’hypocrisie à la violence et à l’injustice. NO FUTURE !

Oui, c’est vrai, Vivienne Westwood a accusé Jarman de trahir le punk. ‟Est-ce que j’avais trahi le Punk… ‘Derek le terne travailleur des classes moyennes ?’ Ou le Punk s’était-il trahi lui-même ?”[4] Mais VW est simplement myope, ou intéressée, ce qu’elle était, puisqu’elle avait des intérêts substantiels investis dans le punk. Jarman n’a pas trahi le punk, mais il a essayé de le radicaliser en exprimant son centre caché. Il l’a plutôt forcé, augmenté, mobilisé – également dans le sens militaire du terme. En effet, les (non)héroïnes punk de Jubilee allaient bien au-delà de la mode (même si Jordan, qui jouait Amyl Nitrite, et qui était l’inspiration originelle du film de Jarman, travaillait dans la boutique de McLaren & Westwood) ; s’ils n’appartenaient pas à une organisation, ils avaient tout au moins un groupe, une bande – ils étaient en guerre, ils appartenaient à la terreur. Dans Jubilee le punk rencontrait la RAF ou les Brigades Rouges. Toutefois, la bande d’Amyl Nitrite n’avait pas d’idéologie. L’idéologie c’était fini : puisque l’idéologie regarde vers le futur et qu’il ne restait que le no future.

Si ça n’a pas été un moment révolutionnaire au sens strict du terme, cela avait au moins l’énergie d’une rupture radicale. Les jeunes criaient : ça suffit. Si nous ne pouvons pas faire l’amour avec vous, nous serons en guerre avec vous. Le punk était l’expression d’une crise profonde, comprenant la crise des projets politiques émancipateurs du postmodernisme néolibéral. Nous ne voulons plus de héros. Le punk a imposé un nouveau slogan, et la philosophie devait s’y adapter. NO FUTURE. Il n’y a pas de futur, le futur est fini parce qu’il n’y a plus d’histoire – cette histoire qui ne cessait de se diriger vers le futur. Thatcher a accompli la prophétie hégelienne-kojèvienne de la fin à venir de l’histoire, et les punks ont brutalement dévoilé le cœur violent de cette idylle post-historique rétro-utopique : la fin de l’histoire n’est pas le retour à un état animal heureux, à une vie commune harmonieuse dans un monde débarrassé des besoins quotidiens et des luttes politiques, – le monde du lifestyle ; la fin de l’histoire est la terreur généralisée, le retour à un état primitif – pas celui de Vico, mais celui de Hobbes : la guerre de tous contre tous.

POGOLOGO

Mais nous ne voulons pas faire de critique institutionnelle nous ne voulons pas être chics ou malins ou marrants nous ne voulons pas détruire ou restaurer ou faire semblant

Nous avons juste besoin de transformer les conditions climatiques pour augmenter le niveau d’humidité pour créer ce corps intense et sensible d’air de peau et de chair

de

joie

POGOGOGO

Et si le pogo n’avait été inventé que pour fermer vos gueules, bande de putains d’intellectuels discursifs ?

Arrêtons de perdre notre temps en mono-, dia- ou métalogues. Il est temps de Re-Pogo !

CHŒUR

Pogo danse pogo pas danse le pogo danse pogo est mort pogo n’est pas mort pogo est long pogo est pas trop long pogo est jamais pogo est toujours.

Braillant reniflant transpirant crachant joignant secouant gloussant tintant ronflant rugissant roulant agitant les mains tournant les bras bombant les torses donnant des coups de pieds

POGO

POGO POGOGO POGOPOGO POGOGOGO GOGO GOGOGO

GOPOGO POGOPOgoPOGOpOgOpOgOpOgOpOgOPogoPogO

PogOPogOPOgOOOOOO

texte original en anglais

  • [1] Gregory Bateson désigne comme métalogue ‟une conversation à propos d’un sujet problématique. Cette conversation doit se dérouler de telle façon que non seulement les participants discutent du problème, mais la structure de la conversation dans son ensemble relève aussi du même sujet.” (G. Bateson, Steps to an Ecology of Mind, 1972, p.1).

  • [2] BG = bulgare, ndt.

  • [3] Je suis revenu déterminé en Angleterre. Je rentrais avec des images plein la tête, comme Marco Polo ou Walter Raleigh. Je ramenais l’image de cette étrange chose en détresse nommée Richard Hell. Et cette phrase, ‘la génération vide’. […] Richard Hell était clairement une inspiration à 100%, et, en fait, je me rappelle avoir dit aux Sex Pistols : ‘Écrivez une chanson comme Blank Generation, mais écrivez votre putain de version à vous’, et leur version à eux a été ‘Pretty Vacant’.” (McLaren interviewé dans Please Kill Me, the Uncensored Oral History of Punk par Legs McNeil et Gillian McCain, Grove Press, 1996, p. 199).

  • [4] Derek Jarman, Up in the Air. Collected Film Scripts, 1996, p.43.

A post-punk metalogue, or preparatory notes

for a pogo workshop[1]

For Valda, Kattrin, Thomas and Nikolaus

‟I started to dance. I wanted to defy gravity.”

Amyl Nitrite in Derek Jarman’s Jubilee

Dramatis Personae (in order of appearance)

Pogologo: Convinced Pogoist with early days experience.

Pogographer: Amateur historian of pogo. Sometimes takes the appearance and the voice of Valda Setterfield.

Pogosopho: Philosophical supporter and ideologist of pogo. He has more than one voice.

Antipogosopher: Expert on pogo and a convinced critic.

Antipogo: the enemy.

Pogogogo: the one who just goes for it.

POGOLOGO

What is pogo ?

Which is pogo ?

Whose is pogo ?

Where is pogo ?

Why is pogo ?

How long is pogo ?

Why does pogo pogoe ?

Why pogo does not pogoe ?

pogopogopogo

POGOGRAPHER (with Valda Setterfield’s voice)

According to Wikipedia and other not fully reliable anonymous and/or apocryphal sources, pogo is a dance where the dancers jump up and down, while trying to remain in the same location. In the original version of the dance, the dancers were keeping their legs close together and their arms rigid, their hands also close to the body. The basic positions and movements could vary from rigidness and stiffness to violent movements (thrashing the torsos about, flailing the arms, kicking about, jumping in any direction, or spinning in the air). Dancers could occasionally collide, which might create the impression that they are attacking one another. But pogo is generally considered as fun, and not as a fight.

If we believe the legend (and SV himself), Sid Vicious invented pogo for one very simple reason: excited, he wanted to dance at a Sex Pistols’ concert but as he couldn’t dance at all, he started jumping up and down, bouncing around the dance floor. Another version of the legend claims that in fact he was stuck in the back, so the tall guy started leaping up and down, trying to see the gig of the band he was about to join. That’s how pogo was born.

POGOSOPHO (1st Voice)

Of course, dear cultured audience, as we all perfectly know, everybody who pretends to have invented new cultural practices is a freak megalomaniac, as Sid Vicious was indeed. Pogo has no author. As every new form, it’s a historical accumulation of human forces and skills, of collective efforts via specific tools, inscribed in a given social context, in a system of well determined power relations. So Sid Vicious was just articulating the collective achievement, the invention of a multitude, a class or a group of people. ‟His” invention has meaning only because there were many people behind it – people who could identify with the new tool, to use it, to develop it further and to disseminate it.

POGOSOPHO (3rd voice)

Yet, Pogo’s origins go back to ritual dances of the Pentecostal faith and many African tribes. It was one more attempt for radical critique of cultural patterns, for inversion of hierarchies and symbolic empowerment by assimilation of ‘primitive’ cultural techniques. Therefore, it is also an expression of cultural difference: not of a ‘weak’ or ‘soft’ difference tending to be universally recognized and thus assimilated, but of an irreducible one: the ‘chthonian’ power of the ‘primitive’, of the ‘savage’, of the anthropophagi, of the dangerous, beautifully dangerous other, the suppressed and annihilated other, the hour of whose revenge has come: the return of the dead.

POGOSOPHO (2nd Voice)

Yes, true, pogo doesn’t have an author. But it is not only a result of collective ‘accumulation’. As every true invention, it is not an effect of a given set of causes but rather their interruption. It’s a rupture of the chain of causality and of the banal regimes of being. The new invention is always a subversive act, to the extent that it problematizes the fixed situation, the status quo of a given field, in which it emerges ; it destabilizes the distribution of forces and therefore mines power constellations. It has a world building potential. That is why every true invention has a revolutionary potential.

And pogo is just the perfect example for such an invention: it says NO to a millenary tradition and history; its nihilistic energy breaks not only through a given convention – a given historical technique or form of dance – but through the convention of dance as such. And this is not only a nihilistic gesture for the nihilistic gesture’s sake – as we have often heard Dada has been accused – but it is a truly emancipatory gesture, a political gesture as such. Why ? Let POGOLOGO speak about that. He is more eloquent than me: he is authentic.

POGOLOGO

Pogo’s a Revolution. Pogo’s Subversion. Pogo is Resistance. We want pogo as we want freedom. We want to destroy dance to get rid of technique of super cool and fancy dance teachers, of hierarchy discipline and order, of culture and museums we want freedom we want energy we want our life, our own authentic being

The energy of jumping warming up concentrating in the move not extending in the technique that’s a joy that’s to feel the body and defy gravity

CHOIR (POGOLOGO and POGOSOPHO’s 3rd voice):

Pogo was not invented by one (if anyone) or many. Pogo is nobody’s invention. Pogo is no body’s invention. It was just there, there in the air waiting for a body. (POGOSOPHO 1st voice: Does it mean it has a transcendental origin ?) It’s the gravitation axis loosing its weight. It’s the intensity of movement with no technique. It’s the dance of ‘no’ with no-body, that is to say it’s a dance of only body. The dance of body. The dance of the bodies.

POGOSOPHO alone

Therefore, the only parts of the two versions of the legends which could definitely remain relevant, and revelatory, are that pogo was born as the effect of an initial impossibility to dance, as a direct expression of desire for dance, and at the same time, as a collective contamination, as a contamination creating a collective frenzy – a collective moving body: the contamination of the ‘NO’. Negativity of dance – negativity as dance. Dancing negativity, anarchic technique. Anarcho-technique.

CHOIR AGAIN

Pogo’s not a dance, POGO’s NO DANCE.

Pogo is the dance of NO.

Pogo is Zero Dance: dance degree zero.

Pogo’s dance only as a non-dance.

You bloody bastards, we’ll smash you all, just by jumping!!!

ANTIPOGO

You bloody punks, you will finish all in the swamp!

ANTIPOGOSOPHER

You pro-pogoists, you are nothing but negative ontologists. You are the true believers in the force of NO – but NO is just nothing. Not a splendid massively destructive apocalyptic Nothing but just nothing, nothing at all. No-Dance is just that kind of nothing.

All your apology for is nothing but an onto-phenomenological mystification, or rather, mythification.

CHOIR of pro-pogoists

POGO is not NOTHING. POGO is everything, right from the start: because it’s an explosion of the energy of life. It’s an immediate manifestation of life, with no stage or frame.

POGO is DADA of dance: NO DANCE IS DADANCE. (In many Slavic languages ‘DA’ means ‘YES’: Tristan Tzara knew it for sure. But ‘DA-DA’ means in some of those languages, like in BG[2], rather negation: ‘DA’ is weakened by the repetition. Said with ironic intonation, ‘DA-DA’ means something like ‘REALLY?’, like the French ‘Non-Non’, which turns, inversely, to an affirmation. ‘DA-DA’ is the negating power of ‘YES’: so POGO is!)

ANTIPOGOSOPHER

That’s just poetic obscurantism, a dangerously vitalist one. There is no authenticity, we are not some sort of imprisoned animals desperately trying to break through their cage. We are not trying to restore some primary being of immediate expression: it would be a being of senseless violence, of war of all against all. We have been ever cultural beings ever since, our nature is culture. Therefore, there is no way out of cultural techniques. The entire history of humanity is nothing but a process of replacement of one cultural pattern, social skill or technique with another. And perhaps in this process of constant replacements, there is not any progress. Each technique can only be measured with its own measure, deriving from its own set of tools, because each technique conceives a different world. There are no better or worse techniques.

Therefore, your ‘no-dance’ didn’t abolish dance (if we nonetheless believe it was dance at all !) Your crooked dance is just another dance ; it doesn’t break through the frame of technique: your primitive non-technique is just another technique. Yes, it’s one more technique of dance pretending to be a no-technique, an immediate expression of a state of life, a primary expression or an ‘authentic technique’. But these expressionist retro-utopian myths are as old as culture itself. From its very beginning there was this longing for a lost primitive state, for an authentic life and for art as its genuine expression. Modernity radicalized and brutalized this archaic obsession ; it transformed it from idyll into sacrifice. Therefore your ‘dance of no’ is neither the first and nor the last of all these ‘abolishments of culture’ and ‘restaurations of authentic being’, or of ‘life as it is’, of ‘Real life’. As a matter of fact, your pogo is just a softened entertainment version of it, compared to the radical modern attempts to express life without the mediation of stage (and) techniques. That is why the dance of ‘no’ didn’t become no dance.

POGOSOPHO (1st voice)

I don’t buy the Antipogosopher’s sophisticated critique – someone who didn’t have at least once a punch in her or his arm or chest or didn’t hurt her or his ankle while kicking about, cannot understand anything about POGO. It’s not a matter of technique, it is a matter of desire. People who are so furious about expression perhaps have never experienced desire. What does desire mean ? What does the body do when it’s feeling the condition of its unlimited disorganization, of its stunning disorder ? The body is a disorganized technique itself, it’s passion and anger and emotion, it needs to move, to brutally harass the space, to collide and to commute with other bodies, to change the climate conditions, to feel this world more intensely.

Listen to Amil Nitrite again, to her lecture at the very beginning of Jubilee : ‟Make your desires reality. (…) [W]hen your desires become reality, you don’t need fantasy any longer, or art”. Desire is the force of life. Where desire bursts out, there we shall need art no more. Desire leads to expression which brings art to an end. Hegel’s prediction will not happen as religion but as POGO.

For that reason I am not convinced that pogoing in the framework of a dance festival, in the space of an art institution, is not going to frame it, to weaken it, to make just an exotic cultural object out of it, instead of negating or destroying the objects in the museum (as the expo zéro concept has invited us) or problematising the meta-object of the art institution itself. The space of the institution is not innocent. Once entered, it dictates its norms ; it imposes its conventions, its ways of seeing, showing and reflecting what has been seen or shown. It’s a matter of production, context, trends, age, group politics and party politics, matter of compromises and negotiations, of projects and administration.

So, don’t you think, aren’t you going to contaminate punk dance by staging it in an art institution, instead of injecting some punk rhythm in the institution? Yes, I know, you mean it as an act of institutional critique, but isn’t the problem that once you integrate a radical artistic gesture in the immunitary space of the institution, the gesture is already immunized, absorbed, assimilated, and its critical subversive power just normalized, objectified if not commodified?

POGOSOPHO (2nd voice)

Yes, in principle you are right, but think of this: there are limits to this possibility of reduction, commodification or ‘positive integration’. The possibility for radical artistic acts which could effectively be subversive, even destructive, inside the institutions – is still there. Think of one of the big scandals of performance art: Mike Hentz’s ‟terrorist” action demaskierung at De Appel in 1978. Think also of Einstürzende Neubauten’s infamous Concerto for Voice and Machinery at the ICA in London in 1984, where the industrial musicians tried to destroy the floor with drills, or of Otto Muehl’s post-artistic community-building activities. At least, this is not like Tracey Emin’s underwear.

Furthermore, we have to ask: why should cultural institutions be necessarily our enemy? Are they really only instruments of power, a part of this anonymous and quasi-mystical ‟System”? And isn’t the discourse on the System just an obscurantist discourse trying to compensate or to veil the lack of critical force, courage and determination - the revolutionary impotency of the self-proclaimed radical critics of the ‘System’? We need a much deeper political and cultural analysis, an awareness of the multiplicity of forces and hierarchies of conflicts. Institution per se is a tool; it is not the enemy as such.

On the other hand, isn’t art an institution itself: it is a field of forces, of patterns, skills, relations, which are always formed in a social context and determined by it. The discourse on art as something radically stranger to the institutions, as substantially excluded from and opposed to the institutions, as an expression of an absolute – ahistorical, atemporal, asocial, - unique individual, is not only autistic or egocentric, it’s a hypocrite one. This discourse is often nothing else than the voluntaristic power discourse of the successful artist, who exposes the aura of his ‘sacred’ autonomy in the media, telling them that he doesn’t depend on them. If not something else, Warhol made such a pretention grotesque. Yes, the artist could and should attack and even aggress the tools of commodification and reduction to stupidity, whose agencies are today mass media, as well as many big cultural institutions, incarnations of what could be called cultural capitalism of spectacular society. But she or he shouldn’t restage the archaic myths which precisely are instrumentalized and capitalized by the monopoly of media and spectacular institutions.

Therefore, we need political fight for and not against the institutions, in order to be able to institutionalize, without reducing it, the creative and critical power we are responsible for. Yes, we need to abolish the rigid, monumental and finally repressive institution of the past, we need to transform it – but not only in order to open space for the fluid creative institution of neoliberalism which brandifies and produces a lifestyle out of each genuine artistic act, which corrupts its very condition. We need a paradoxical an-archic institution, a place for freedom and uncompromised creation. Thus, pogo could also be a powerful transformative act, pushing the institution to step beyond itself, to restrain its constituting power.

ANTIPOGOSOPHER

Ha ha ha, revolutionary potential of the jump! Where the Bastille was we shall jump! Let’s start jumping at ground zero!

Pogo was just an alternative and a bit more aggressive form of entertainment not of protest, nothing more than a violent street or club culture. Not to speak that punk in general was only that. At the time when the young people in Paris, Prague, Italy and Germany were fighting in the streets, joining radical political organizations, throwing stones or bombs, British kids were just obsessed with fashion. And wasn’t punk just a fashion ? Wasn’t its true author the owner of a fashion boutique, the one called Sex: Malcolm McLaren accompanied by Vivienne Westwood? By the way, do you know that Johnny Rotten was buying clothes there, and it was precisely there that he was spotted out by the clever managers, and chosen to become the face of the movement? Rotten was a managerial product! Before incarnating anarchic idiotism, he was just a consumer, a fashion victim, a working class dandy. You might find it shocking but the origin of your crypto-revolutionary movement is to be found in consumerism.

You claim that punk has been brandified, commodified, taken over by the bourgeois consumerist society. But punk was nothing but a brand right from the start! Johnny Rotten’s grimaces of psychotic lumpen-proletarian are just a nasty kiddy entertainment compared to the bloody actions of Viennese actionists or true political artists risking their health if not their life in their art: you’d better think of Gina Pane or Maciunas.

So you pretend to make a zero cultural event, to perform a zero expo, that is to say a radical cultural critique, but in fact you are about to just re-produce some fashion culture.

POGOLOGO

Yes today punk is ‘in’, it sounds cool. You find everywhere well designed ‘punk’ boutiques - quite expensive by the way. Even les grands magasins in Paris, these temples of bourgeois consumerism, recently ‘celebrated’ the 30th anniversary of punk. Could you imagine that ? Well, punk sells today – and it apparently sells well. Imagine the old and young daisies – the ones who get easily panicked when they cross a homeless or a stray dog or a real old punk in the street - wearing a t-shirt Anarchy in the UK or Punk’s not dead or No Future. Damn! Today Lady Ga Ga is ‘punk’. All sexy (sexy? really?) trash today is ‘punk’. Yeah, we will smash all the jerks. We will make it dangerous again. We need some filth and sweat down there, not expensive alternative chic and perfumes. Revolution of bodies needs some broken ankles! Or some heads off ? Ha ha ha! Flirting with danger.

ANTIPOGO

You bloody punks, you will finish all in the swamp!

POGOSOPHO (2nd voice)

Yes indeed, Antipogosopher, You should read more carefully the history of punk since you didn’t experience it, I believe. Or am I wrong? And the history will show you that yes, punk became famous in Britain as an alternative street culture, which had its strong theatrical, spectacular side (including what you call ‘fashion’). Yes indeed, it could be said that punk fashion or the fashion-punk was an invention of the self-proclaimed cultural terrorist and manager Malcolm McLaren. But Malcolm McLaren is not our hero. No more heroes any more!

However, read the story more carefully and don’t forget McLaren didn’t invent punk. He just had the brilliant managerial idea to ‘transport’ it overseas from New York. In fact, the documentary history says that McLaren was fascinated with Richard Hell’s dandyish punk look (Hell was the first to spike his hair and wear torn shirts, often held together with safety pins) and he promoted it through his fashion boutique Sex (especially in what concerns the safety-pin accessorized clothing) and the group he formed (which was initially conceived, as its name shows, as a promotional extension to his boutique, and hitched on to Hell’s look[3]). But this means that even the ‘fashion’ – the look he was obsessed with – was stolen from the New York down town proto-punk scene. Richard Hell’s personal invention was imported in Britain as the emblem of punk. McLaren was nothing more than an agent of cultural transmission: an interested one but still an agent.

That’s how McLaren have stolen, brandified and started selling punk look in London. But fifteen years old working class kids took it over in a while (in the same way the Pistols took the control over the group and kicked the post-Situationist impresario out). It was a rare moment: a violent explosion, an outburst of subjective energy, of creative collective subjectivation rarely seen in the streets. The self-taught teenage dandies were not only into fashion or ‘lifestyle’: they created new tools, new forms of expression, therefore new arms. They experimented forms of life; they fought for their form of life. They shouted out loudly and sometimes destructively for themselves their anger, their ‘NO’. ‘NO’ to Mrs. Thatcher and company, to the suffocating world of filthy dealers speculators priests hypocrisy violence and injustice. NO FUTURE!

Yes, it’s true, Vivienne Westwood accused Jarman of betraying punk. ‟Had I betrayed Punk…: ‘Derek the Dull Middle-Class Worker?’ Or had Punk betrayed itself[4]?” But VW is just short-sighted, or interested, as she was, since she had quite substantial interests invested in punk. Jarman didn’t betray punk but he tried to radicalize it by expressing its hidden core. He rather forced it, augmented it, mobilized it, also in the military sense of the word. Indeed, the punk (no)heroines of Jubilee went far beyond fashion (even if Jordan, who played Amyl Nitrite and who was the original inspiration for Jarman’s film, worked in McLaren&Westwood’s shop); if they didn’t belong to an organization, they had at least a group, a gang – they were at war, they belonged to terror. In Jubilee, punk met RAF or the Red Brigades. Yet, Amyl Nitrate’s gang didn’t have any ideology. Ideology had come to an end: since ideology looks to the future and there is no future any more.

If this was not a revolutionary moment in the strict sense of the word, it had at least the energy of a radical break. The youngsters shouted out: that’s enough. If we cannot make love with you, we will be at war with you. Punk was the expression of a profound crisis, including the one of the emancipatory political projects in the period of neoliberal postmodern. No more heroes any more. Punk imposed a new slogan, and philosophy had to adapt to it. NO FUTURE. There is no future, future is over because there’s no history any more - history which has always been heading to the future. Thatcher fulfilled Hegelian-Kojèvian’s prophecy of the coming end of history, and punks brutally unveiled the violent core of this retro-utopian post-historic idyll: the end of history is not the return to the happy animal state, to a happy living together in a world beyond daily needs and political struggle, - the world of lifestyle; the end of history is generalized terror, return to a primary state – not Vico’s one, but the one of Hobbes: the war of all against all.

POGOLOGO

But we don’t want to make institutional critique we don’t want to be neither fancy nor clever nor funny we don’t want to destroy or restore or to pretend

We just need to transform the climate conditions in there to increase the level of humidity to create this intense and sensible body of air skin and flesh

of

joy

POGOGOGO

And if pogo had only been invented in order to shut your mouths, you bloody discursive intellectuals ?

Let’s stop loosing time in mono-, dia- or metalogues. It’s time to Re-Pogo!

CHOIR

Pogo dance pogo not dance pogo dances pogo is dead pogo is not dead pogo is long pogo is not too long pogo is never pogo is ever.

Yelling smelling sweating spitting knitting jiggling giggling tingling snoring roaring rolling waving hands spinning arms stiffing chests kicking legs about

POGO

POGO POGOGO POGOPOGO POGOGOGO GOGO GOGOGO

GOPOGO POGOPOgoPOGOpOgOpOgOpOgOpOgOPogoPogO

PogOPogOPOgOOOOOO

  • [1] Gregory Bateson designates as metalogue ‟a conversation about some problematic subject. This conversation should be such that not only do the participants discuss the problem but the structure of the conversation as a whole is also relevant to the same subject.” (G. Bateson, Steps to an Ecology of Mind, 1972, p. 1).

  • [2] BG = bulgarian, ndt.

  • [3] ‟I came back to England determined. I had these images I came back with, it was like Marco Polo or Walter Raleigh. I brought back the image of this distressed, strange thing called Richard Hell. And this phrase, ‘the blank generation’. […] Richard Hell was a definite, 100 percent inspiration, and, in fact, I remember telling the Sex Pistols, ‘Write a song like Blank Generation, but write your own bloody version,’ and their own version was ‘Pretty Vacant’.” (McLaren in an interview in Please Kill Me, the Uncensored Oral History of Punk by Legs McNeil and Gillian McCain, Grove Press, 1996, p. 199).

  • [4] Derek Jarman, Up in the Air. Collected Film Scripts, 1996, p.43.