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Gilles Amalvi
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Retour sur une semaine passée à écouter et à voir s’élaborer expo zéro – à noter les discussions, les propositions, les polémiques. Retour nécessairement lacunaire, auquel manqueront des liens, des raccords. Les silences, les gestes esquissés, les livres feuilletés, les idées abandonnées. Une vaste archive enfouie, dont certains feuillets se sont retrouvés dans le texte vivant que expo zéro a écrit.
Dits et faits
Après la Préfiguration, expo zéro marque une nouvelle étape dans l’élaboration d’un projet qui prend le temps : le temps d’apparaître et de se demander ce qu’il pourrait être. Préfiguration, expo zéro : chacun de ces évènements recouvre un énoncé performatif, un dire, un faire, et un comment-le-faire simultanés ; les premiers gestes du Musée de la danse – qui sont en même temps réflexion sur ses conditions de possibilité.
Partie d’une simple liste de noms (Boris Charmatz, Raphaëlle Delaunay, Vincent Dunoyer, Anne Juren, Faustin Linyekula, Tim Etchells, Janez Janša, Georg Schöllhammer, Sylvie Mokhtari, Nathalie Boulouch) expo zéro s’est construite pendant les cinq jours qui ont précédé l’ouverture au public. Décrire ce temps d’élaboration, ce serait donner à voir ‟les expo zéro que vous n’avez pas vues”, les scènes coupées au montage. Mais aussi la genèse des propositions qui s’y sont croisées et enchevêtrées. Ou encore : un événement à part entière, un moment de fondation, qui au-delà de l’évènement expo zéro, continuera à nourrir les propositions futures du Musée de la danse.
Ce temps d’élaboration a été inauguré par des présentations : présentation des noms, des activités, des champs de réflexion de chaque participant. Pendant la semaine, chacun reviendra à ce moment de présentation comme à un point d’origine – aux problématiques qui ont commencé à se nouer, à se rencontrer. Avec l’idée que expo zéro pourrait n’être que cela : une présentation, sous des formes allant de la danse à l’énumération, du chant à la déambulation. Une présentation sans représentation, et sans objets pour la soutenir, qui laisserait affluer tous les croisements d’espace, de disciplines, de territoires, de questions qui se sont déposés pendant la première journée.
C’est à partir de là qu’a pu s’opérer la mise en réseau des questions, et leur production dans l’espace : Comment rendre visible le trajet d’un danseur avec les gestes des chorégraphes pour lesquels il a dansé, les mémoires déposées dans son corps ? Comment faire résonner des voix dans les salles vides du Garage ? Énoncer l’archive sur un terrain vierge ? Comment faire entendre le point de vue du critique avec celui de l’artiste ? Dans quels espaces, avec quelle dramaturgie ? Ensemble ou séparés ? En produisant une fiction générale, ou une série de micros-récits ? En conservant les espaces vides, ou en laissant les traces, les inscriptions de ces journées de réflexion ? Et comment raconter tous les musées de la danse qui se sont inventés autour de la table, faire entrer clandestinement ceux qui n’y ont pas trouvé leur place ?
C’est sans doute cette mise en jeu plurielle, ce ‟saut dans le vide”, en dehors des cadres habituels du spectacle, qui a donné à expo zéro son caractère ouvert, évolutif, balbutiant parfois, changeant toujours. Deux fois huit heures de propositions parlées, chantées, chuchotées, dansées, marchées, déclenchées parfois par la présence d’une personne, par une question, évoluant en fonction des réactions d’un groupe de spectateurs ; ou au contraire se faisant dans l’ombre, discrètement ; un mouvement qu’un seul regard aura remarqué, une voix qu’une oreille aura entendue – ou peut-être aucune. Deux fois huit heures : la création d’une manifestation à la géographie mouvante, que nulle carte ne pourrait exactement décrire.
Car il y aurait autant de versions d’expo zéro à raconter qu’il y a eu de spectateurs.
DES VERSIONS
En entrant dans le hall du Garage, on pouvait entendre des voix venant du couloir.
C’était peut-être le critique d’art Georg Schöllhammer, adossé au mur, mettant en perspective les idées, les projets débattus – opérant des croisements historiques entre performances artistiques, chorégraphiques, expositions novatrices ou principes muséaux. Ou bien Boris Charmatz, les yeux fermés, racontant pendant plusieurs heures le déroulement de la semaine, les évènements de la veille, les idées échangées, ses propres utopies – se laissant porter au gré des associations. Ou encore Janez Janša et Tim Etchells, assis face à face, cataloguant des exemples de musées impossible ou improbables (par exemple un musée où les visiteurs ne se déplaceraient pas, mais seraient déplacés ; un musée où ils seraient obligés de porter des bottes de scaphandrier…). C’était peut-être la voix de Faustin Linyekula racontant son histoire, ou chantant les yeux fermés. Dans ce même couloir, j’ai écrit et lu des extraits du texte que je suis en train d’écrire. Sas de mots, de listes, de projections imaginaires, lieu de passage ou de transition, le couloir avait une place charnière au cœur du dispositif d’expo zéro. On pouvait y passer, y repasser, s’y assoir, s’y attarder. Il pouvait fonctionner comme un long commentaire, une conférence, la prolongation du temps d’élaboration, un poème polyphonique mono ou stereo…
En le continuant jusqu’au bout, puis en tournant à gauche, on pouvait pénétrer dans la salle que Raffaëlle Delaunay a occupée pendant deux jours. Seule sur ce plateau noir transformé en studio de travail, elle enchaînait des séquences dansées, parfois s’interrompait, faisait des étirements, reprenait par des pointes, un extrait de Pina Bausch, des fragments de moonwalk… Icône muette, dansant à contrejour, ou figure proche, invitant les spectateurs à reprendre avec elle certains mouvements ; corps tendu, tout à l’intensité de son geste, ou silhouette fatiguée, presque en retrait – sa présence au centre du Garage éclairait le travail du danseur. Au-delà des discours, des œuvres projetées, des reconstitutions, des détournements, s’immisçait ainsi dans le Musée de la Danse la dimension de production : le temps de l’apprentissage, de la répétition, de l’épuisement. Et l’interprète – les chemins de sa singularité. Sans doute, expo zéro ne pouvait exister qu’à rendre visible ses moins-un, les dépôts successifs, les fantômes de l’interprète : la danse classique (comme ces pointes, trace de la formation de Raffaëlle Delaunay au Ballet de l’Opéra de Paris), les ‟grands noms” de la danse contemporaine (comme Pina Bausch, pour laquelle elle a dansé plusieurs années), la danse pop (Michael Jackson, un autre spectre). Alors qu’autour d’elle les propositions circulaient, changeaient de lieu – donnant parfois l’impression que les participants étaient dotés du don d’ubiquité – son espace constituait un pivot, un espace de repos, où le public pouvait choisir de s’arrêter comme pour regarder un spectacle, ou simplement passer.
Au début du couloir, on pouvait aussi tourner à droite. Là, dans un grand studio Janez Janša a présenté plusieurs versions de ‟contact dance improvisation”, invitant le public à suivre ses instructions pour réaliser une ‟contact dance improvisation” communiste, ou une ‟contact dance improvisation” néo-libérale. Cet artiste multiple – renommé du nom d’un ancien premier ministre slovène – a joué avec humour des liens hybrides entre acte performatif et politique. Mais on aurait également pu l’entendre dans un autre studio, au fond du garage. Là, assis dans le noir, muni d’une télécommande, il ouvrait et fermait trois grands volets amovibles, laissant affluer la lumière, créant l’obscurité. S’agissait-il d’une série de monochromes noirs, de paysages, ou d’une symphonie pour volets télécommandés ? Instaurant un battement entre dedans et dehors, faisant et défaisant le cadre de son exposition, il a commencé à réciter une lettre : ‟dear friend…”. Une lettre parlant de sa situation dans l’espace, réfléchissant à la différence entre art et la réalité (‟art has nothing to do with reality”), ou à la manière dont les musées cherchent à suppléer à l’œuvre, en créant artificiellement autour d’elle les conditions d’une expérience. Le même Janez Janša que l’on pouvait entendre, assis, réfléchir aux implications théoriques de son acte, on aurait pu l’entendre parler, mais cette fois-ci marchant en cercle autour du studio jusqu’à l’épuisement. Discours, performances : on peut dire que expo zéro s’est autant pensée que dépensée.
Était-ce avant, ou après, ou pendant la lecture de cette lettre ? Vincent Dunoyer s’est mis à danser dans ce même studio, et Janez Janša a réouvert à demi les volets, pour éclairer sa silhouette. Était-ce avant, après, ou pendant la lecture de cette lettre ? Faustin Linyekula s’est mis à parler dans l’ombre, dans cet espace ‟trop vide”, ‟comme un enfant dans le noir, saisi par la peur, se rassure en chantonnant[1]” ; il s’est mis à parler des rapports entre vie et mort au cœur de l’acte de création : ‟la danse est célébration de la vie, mais les plus belles danses sont toujours des danses de mort”, répétait-il. Et deux petites filles sont entrées dans le studio vide, et se sont mises à courir, à danser, et la voix de Faustin Linyekula les a invitées dans son discours – leur faisant une place au fil de ses variations : la phrase de Goethe sur son lit de mort, ‟Mehr Licht”, la tirade d’Hamlet, ‟Give me some light”, le bruit de pas des fillettes : ‟et heureusement qu’il y a des petites filles qui peuvent prendre cet espace, le redessiner. Elles courent et ça fait musique”. L’ombre et la lumière. L’ombre – où se font entendre des voix, et la lumière qui révèle des corps : expo zéro, en tant qu’origine (peut être du Musée de la danse, ou peut être d’autre chose) s’est située entre ces deux pôles.
‟Parle —
Mais ne sépare pas le Non du Oui
Donne à ta parole aussi le sens
donne-lui l’ombre.
Donne lui assez d’ombre,
donne lui autant,
qu’autour de toi tu sais partagée entre
Minuit et Midi et Minuit. [2] ”
Dans le hall, en prenant à gauche avant le couloir, on pouvait aussi se diriger vers la salle qui a accueilli les débats entre participants. De là bifurquer vers une petite pièce, où a été longuement discutée la question de savoir par où entrerait le public. Par l’entrée principale ? Ou par les bordures ? Et c'est justement par les bordures que Boris Charmatz a fait son apparition avec un groupe de spectateurs, pendant que Sylvie Mokhtari parlait du Musée à croissance illimitée de Le Corbusier (projet conçu pour s’agrandir jusqu’à englober tous les objets du réel). Face à face dans cette même pièce, Sylvie Mokhtari et Nathalie Boulouch ont égrainé archives et numéros de côte : une lecture où les principes de classement rythmaient les lettres de Pierre Restany, de Allan Kaprow, les projets scéniques de Yves Klein. Énoncés là, dans le Musée de la danse, ces fragments, sortis pour l’occasion des archives de la critique d’art, résonnaient comme un rappel (de l’Histoire) et un appel (à les refaire, les rejouer, les continuer). Refaire : c’est ce qu’effectuait la proposition de Vincent Dunoyer, reprenant la pièce ‟Primary accumulations” de Trisha Brown (dont le principe était la répétition d’une même séquence, à laquelle venaient progressivement s’ajouter de nouveaux gestes) ; au lieu de les accumuler, Vincent Dunoyer retirait ces gestes, produisant une décroissance du mouvement. Au fil des propositions se dévoilait l’idée d’un ‟Musée de la danse imaginaire à croissance illimitée”, élargissant sans cesses ses frontières spatiales (comme lors du duplex avec le musée de Bogota – puis les versions de Saint-Nazaire et Singapour) et temporelles – faisant participer les morts aussi bien que les vivants. Aurait-il vocation ce Musée, comme celui de Le Corbusier, à tout englober ?
Ouverture. Pose du cadre. Franchissement de ses frontières.
NB : Pendant les discussions, Janez Janša a proposé que le Musée de la danse invite des chorégraphes à entrer dans ses collections. William Forsythe, Anne Teresa de Keersmaeker, Jan Fabre deviendraient ainsi des œuvres du Musée de la Danse – un peu à la manière de Piero Manzoni signant Marcel Broodthaers : ‟Par la présente, je certifie que j’ai signé Marcel Broodthaers de ma main et qu’il doit, à toutes fins utiles, être considéré comme une ouvre d’art authentique”.
En continuant son chemin, on aurait pu croiser Boris Charmatz : là, dans un espace au statut indéterminé (ni studio de danse, ni pièce de travail), il parlait tout en dansant, ou dansait tout en parlant, racontait certains mouvements dansés pendant sa carrière – ceux de Isadora Duncan, de Vaslav Nijinsky – expliquant qu’il ne voulait plus les refaire, et les refaisant, encore et encore. Ou Boris Charmatz évoquant une idée de François Chaignaud – une sculpture bondage avec des enfants – et à la manière d’un joueur de flûte de Hamelin, entraînant hommes, femmes, enfants à s’accrocher ensemble avec ce qu’ils avaient sous la main. Faire la sculpture, ne plus bouger, garder la position, jambes et bras tordus, avec les crampes qui guettent. ‟On est bien là… plus que trois heures à tenir”. Instigateur d’expo zéro, Boris Charmatz mobilisait une insistance communicative – la nécessité de faire de la durée un effort, une mise en déséquilibre. Que ça insiste : il y avait là, dans toute sa tension contradictoire – aussi bien dans le soin que le heurt – la recherche d’un geste politique ; quelque chose d’une ritournelle à transmettre : ‟il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer[3]”
On pourrait continuer, je pourrais continuer – à raconter, à dérouler le fil, instant après instant, espace après espace, chercher toutes les versions disponibles. Celles que je n’ai pas vues. Celles que l’on m’a racontées. Ou qui ont été racontées pendant expo zéro : Tim Etchells, au seuil d’un espace de stockage, demandant aux spectateurs égarés d’inventer un mouvement à faire entrer dans l’espace imaginaire du Musée de la danse. Ou Anne Juren, proposant de confier un projet secret – à une personne à la fois seulement. Ou encore Vincent Dunoyer, refaisant de manière presque invisible une performance de Vito Acconci (suivre une personne dans l’espace du musée). On pourrait continuer. Mais sans doute, expo zéro ne pouvait se produire que sur fond d’une pure dépense, d’une inscription aléatoire et sans cesse vacillante. Comme l’expliquait Janez Janša au début de la semaine de réflexion : ‟On préserve la mort dans un musée. Comment penser la danse en terme de mort ?”. Et Faustin Linyekula d’ajouter : ‟Il faut qu’un geste disparaisse pour pouvoir exister.”
Le paradoxe fondateur du Musée de la danse – entre l’idée d’empailler une chorégraphie, et de produire l’année sabbatique de Steve Paxton, d’exposer un kilomètre linéaire d’archives et le refus de faire un musée d’objets et d’archives muettes – se retrouvait à chaque étape, agitait chaque proposition d’expo zéro. Pour les participants : retenir, laisser circuler, bouger, se tenir immobile, inviter, évacuer, insister, jusqu’à parfois disparaître – parler et se taire. Pour les spectateurs, passer d’un espace à un autre, d’une lecture à un catalogue d’œuvres, d’une séquence dansée à son commentaire. Accepter le vide, les jeux, les invitations à participer. A inventer. A être manipulé, piégé, soigné ou bousculé. À la question posée au début par Georg Schöllhammer, ‟How a frame appears ?” (comment apparaît un cadre), on pourrait répondre par d’autres questions : ‟Est-ce qu’un paradoxe peut faire cadre ? Et est-ce un cadre qu’a fait apparaître expo zéro, ou l’ensemble des possibles que le Musée de la danse pourrait contenir ?”.
A look back on a week spent listening to and watching the elaboration of expo zéro – noting the discussions, the propositions, the polemics. A look back which is necessarily incomplete, as some links and connections will be missing. The silences, the unachieved gestures, the books leafed through, the given up ideas. A vast buried archive, some pages of which have been inscribed in the living text written by expo zéro.
Stories and facts
After the Préfiguration, expo zéro marks a new stage in the elaboration of a project that takes time: time to appear and ask itself what it could be. Préfiguration, expo zéro: each of these events covers a performative statement, simultaneously a say, a do, and a how-to-do-it ; the first gestures of the Dancing museum – which are at the same time a reflection on its conditions of possibility.
Having started from a mere list of names (Boris Charmatz, Raphaëlle Delaunay, Vincent Dunoyer, Anne Juren, Faustin Linyekula, Tim Etchells, Janez Janša, Georg Schöllhammer, Sylvie Mokhtari, Nathalie Boulouch), expo zéro built itself during the five days that preceded the opening to the public. To describe this period of elaboration would be to visualize ‟the expo zéro that you haven’t seen”, the scenes cut while editing. But also the birth of the propositions that crossed each other and got entangled. Or also: an event in its own right, a moment of foundation, which beyond the event expo zéro will continue to feed the future propositions of the Dancing Museum.
This period of elaboration was inaugurated by introductions: introductions of the names, activities, reflection fields of each participant. During the week, each one will come back to this moment of introduction as to a starting point – to the questions that began to arise and to meet with each other. With the idea that expo zéro could be only that: an introduction, under shapes varying from dance to enumeration, from chant to stroll. An introduction without performance, and with no object to support it, a presentation that would let flow all crossings of space, of trades, of territories, of questions that have settled during the first day.
It is from there that the networking of the questions and their production in space could be brought about. How to make visible the course of a dancer with the gestures of the choreographers for whom he has danced, the memories deposited in his body? How to make voices resound in the empty halls of the Garage? Read out the archive on a virgin territory? How to voice the opinion of the critic with that of the artist ? In what spaces, with what dramaturgy? Together or separately? By producing a general work of fiction, or a series of micro-narratives? By keeping the spaces empty, or by leaving traces, inscriptions of those days of reflection? And how can one tell all the dancing museums that were invented around the table, how can one clandestinely let in those who have not found their place there?
It is probably this plural bringing into play, this ‟jump into the void”, outside the usual frameworks of performance, that gave expo zéro its open, evolving, sometimes stuttering, always changing, character. Twice eight hours of propositions spoken, sung, whispered, danced, walked, triggered sometimes by the presence of one person, or by a question, evolving in accordance with the reactions of a group of spectators ; or on the contrary taking place in the dark, discreetly ; a movement that one eye only will have noticed, a voice that one ear only will have heard – or perhaps none. Twice eight hours: the creation of an event with a moving geography, that no map would be able to describe exactly.
For there would be as many versions of expo zéro to tell as there were spectators.
VERSIONS
When entering the Garage hall, one could hear voices coming from the corridor.
It could be the art critic Georg Schöllhammer, leaning against the wall, setting in perspective the ideas and projects discussed – operating historical crossings between artistic and choreographic performances, innovating exhibitions or museal principles. Or Boris Charmatz, eyes closed, talking for several hours about the week’s happenings, the events of the day before, the ideas exchanged, his own utopias – letting himself be carried away by associations. Or else Janez Janša and Tim Etchells, sitting in front of each other, making catalogues of impossible or improbable museums (for example a museum where visitors wouldn’t move but would be moved about ; a museum where they’d be obliged to wear a diver’s suit…). It was perhaps the voice of Faustin Linyekula telling his story, or singing with his eyes closed. In this same corridor, I wrote and read extracts of the text I am currently writing. Lock of words, lists, imaginary projections, place of passage and of transition, this corridor had an essential place inside the expo zéro system. One could pass through it, pass through again, sit down, linger over. It could work as a long commentary, a lecture, a prolongation of the elaboration time, a mono or stereo polyphonic poem…
Continuing to the end, then turning left, one could enter the room that Raphaëlle Delaunay occupied for two days. Alone on that black set turned into a working studio, she carried on her dance sequences, stopped for a while, did some stretchings, started again dancing on points, then an extract of Pina Bausch, fragments of moonwalk… Silent icon dancing against the light, or close figure inviting the spectators to repeat with her some of the movements ; body tense, entirely absorbed in the gesture’s intensity, or tired silhouette, almost recessed — her presence at the center of the Garage shed light on the dancer’s work. Beyond the speeches, the projected works, the reconstitutions, the diversions, thus interfered in the Dancing Museum the dimension of production : the time for training, for repeating, for becoming exhausted. And the performer – the ways of his own singularity. Indeed, expo zéro could exist only by making visible its minus-one, the successive sediments, the ghosts of the dancer: classical dance (like those points, traces of Raphaëlle Delaunay’s training at the Paris Opéra Ballet), the ‟great names” of contemporary dance (like Pina Bausch, for whom she has been dancing several years), pop dance (Michael Jackson, another ghost). While around her the propositions would circulate, change places – giving sometimes the impression that the participants were gifted with ubiquity – her space constituted a pivot, a space for rest, where the public could choose to stop as if to watch a show, or simply pass by.
At the beginning of the corridor one could also turn right. There, in a large studio Janez Janša presented several versions of ‟contact dance improvisation”, inviting the audience to follow his instructions in order to produce a communist ‟contact dance improvisation”, or a neo-liberal ‟contact dance improvisation”. This multi-talented artist – re-named after the name of a Slovenian ex-prime minister – played in a humourous way with the hybrid links between performative and political act. But one could have heard him also in another studio, at the far end of the Garage. There, sitting in the dark, holding a remote control, he opened and closed three big detachable shutters, letting the light flow in, then creating darkness. Was it a series of black monochromes, of landscapes, or a symphony for remote-controlled shutters ? Establishing a swing between inside and outside, making and undoing the frame of his exhibition, he started to recite a letter: ‟dear friend…”. A letter about his situation in space, reflecting on the difference between art and reality (‟art has nothing to do with reality”), or on the way the museums try to compensate for the artwork, by artificially creating around it the conditions of an experience. The same Janez Janša whom one could hear, sitting down, reflecting on the theorical implications of his act, one could have heard him speak, but this time walking in circles around the studio until exhaustion. Speech, performances: one can say that expo zéro thought itself as much as it spent itself.
Was it before, after, or during the reading of that letter? Vincent Dunoyer began to dance in that same studio, and Janez Janša half reopened the shutters to light up his silhouette. Was it before, after, or during the reading of that letter? Faustin Linyekula began to speak in the darkness, in that ‟too empty space”, ‟a child in the dark, gripped with fear, comforts himself by singing under his breath”[1] he began to talk about the relations between life and death at the core of the creative act: ‟dance is the celebration of life, but the most beautiful dances are always dances of death”, he repeated. And two little girls entered the empty studio, and began running and dancing, and Faustin Linyekula’s voice invited them in his speech – giving them space along side his variations: Goethe’s phrase on his death bed ‟Mehr Licht”, Hamlet’s tirade ‟Give me some light”, the noise of the girls’ footsteps: ‟and fortunately there are some little girls who can take that space, and re-draw it. They run and it produces music”. Shadow and light. Shadow – where voices can be heard, and the light revealing the bodies: expo zéro, as an origin (maybe of the Dancing Museum, or maybe of something else) situated itself between those two opposite poles.
“speak -
But do not spearate the no for the yes.
Give your saying also meaning:
give it its shadow.
Give it enough shadow,
give it as much
as you know to be parceled out between
midnight and midday and midnight. [2]”
In the hall, turning left before the corridor, one could also move towards the room where the debates between the participants took place. From there, branch off towards a small room, where the question to know from where the public would enter was discussed at length. Through the main entrance? Or by the sides? And just then appeared Boris Charmatz with a group of spectators by a ‟clandestine entrance”, while Sylvie Mokhtari talked about Le Corbusier’s Museum with unlimited expansion (project suppposed to grow until it includes all the objects existing in the real world). Facing each other in the same room, Sylvie Mokhtari and Nathalie Boulouch listed archive and serial numbers: a reading where principles of classification put ryhtm in the letters of Pierre Restany, Allan Kaprow or stage projects by Yves Klein. Enounced there, in the Dancing Museum, those fragments, taken out of the archives of art criticism specially for this event, resounded like a reminder (of history) and a summon (to re-do, replay, continue them). Re-do: that is what Vincent Dunoyer’s proposition enacted, taking Trisha Brown’s play ‟Primary accumulations” (whose principle was the repetition of a same sequence, to which new gestures were added progressively) ; instead of accumulating them, Vincent Dunoyer withdraw those gestures, producing a decrease of movement. Following those propositions emerged gradually the idea of an ‟imaginary Dancing Museum with unlimited expansion”, ceaselessly broadening its borders, spatial (as at the time of the duplex with the Bogotá museum – then the Saint-Nazaire et Singapore versions) and temporal — getting the dead to participate as well as the living. Would that Museum’s vocation be, like the one of Le Corbusier, to include everything?
Opening. Setting of the framework. Crossing its borders.
NB: During the discussions, Janez Janša suggested that the Dancing Museum should invite some choreographers to enter in its collections. William Forsythe, Anne Teresa de Keersmaeker, Jan Fabre would thus become works of the Dancing Museum — a bit like Piero Manzoni signing Marcel Broodthaers: ‟I hereby certify that I signed Marcel Broodthaers with my own hand and that he must, for whatever purpose it might serve, be considered as an authentic work of art”.
Continuing one’s way, one could have crossed Boris Charmatz: there, in a space with undetermined status (neither dance studio nor working room), he spoke while still dancing, or danced while still talking, telling some movements that he danced during his career — those of Isadora Duncan, of Vaslav Nijinsky — explaining that he didn’t want to repeat them, and repeating them again and again. Or Boris Charmatz evoking an idea of François Chaignaud — a bondage sculpture with children — like the Pied Piper of Hamelin, leading men, women, children to cling together with everything at hand. Create the sculpture, stop moving, hold the position, legs and arms twisted, with cramps threatening. ‟We are doing fine like this… only three more hours to hold”. Instigator of expo zéro, Boris Charmatz summoned up a communicative insistance — the necessity of turning duration into effort and loss of balance. The necessity to insist: there was, in all its contradictory tension — as well in the care as in the clash — the search for a political gesture ; something of a ritournelle to pass on: ‟You must go on. I can’t go on. You must go on. I’ll go on.”[3]
One could go on, I could go on — telling the story, unrolling the thread, moment after moment, space after space, looking for all the available versions. The ones I haven’t seen. The ones I was told about. Or that were told during expo zéro: Tim Etchells, on the doorstep of a storage space, asking some spectators gone astray to invent a movement that might become part of the imaginary space of the Dancing Museum. Or Anne Juren suggesting to entrust with a secret project one person at a time only. Or Vincent Dunoyer, repeating in an almost invisible manner a performance by Vito Acconci (to follow a person inside the museum space). One could go on forever. But expo zéro could probably only happen as a pure expense, as an aleatory and always shifting inscription. As Janez Janša explained at the beginning of the week of reflexion: ‟One preserves death in a museum. How could one think dance in terms of death?”. And Faustin Linyekula adds: ‟A gesture must disappear in order to exist.”
The Dancing Museum’s founding paradox — between the idea of stuffing a choreography like one does of a dead animal and to produce Steve Paxton’s sabbatic year, to exhibit a linear kilometer of archives and the refusal to create a museum of objects and mute archives — was inscribed in every step, stirred every proposition of expo zéro. For the participants: hold back, let flow, move, remain motionless, invite, evacuate, insist, to the point sometimes of disappearance — speak and keep quiet. For the spectators, to pass from one space to another, from a reading to a catalogue of works, from a danced sequence to its commentary. To accept the void, the games, the invitations to participate. To invent. To be manipulated, trapped, cared for and jostled. To the question asked by Georg Schöllhammer, ‟How does a frame appear ?”, one could answer by other questions: ‟Can a paradox become a frame ? And is it a frame that let expo zéro appear, or the whole of the possibilities that the Dancing Museum might contain ?”