Deux journées
de l’expo zéro
Sylvie Mokhtari,
Nathalie Boulouch
Two days of
expo zéro
Le faire et sa trace
Toute pratique conceptuelle questionne implicitement la fonction et le statut de l’archive dans l’art ; en cherchant dans les Archives des exemples d’œuvres conceptuelles mettant en jeu ce flottement entre le faire et sa trace, s’est dessiné pour nous un corpus de mots, renvoyant à différentes facettes de leur relation : source, trace, tract, récit, description, codification, classification, collection…
Pendant l’exposition, notre contribution a consisté, le premier jour, en une discussion de six heures, développée au gré des rencontres avec les visiteurs de l’expo zéro. On y aura fait ‟La Lessive” avec deux lycéennes, en interprétant le mode d’emploi rédigé par François Pluchart à l’occasion de l’exposition éponyme de Michel Journiac (Galerie Daniel Templon, du 2 au 8 mars 1969). On aura demandé au public quelles œuvres extraites de l’Histoire de l’art il souhaitait passer au détergent (‟en vue d’une destruction-récupération”), et quelles autres œuvres il souhaitait simplement laver pour en ‟faire encore un bon usage”. La proposition autour de Michel Journiac aura suscité un élan créatif, et donné forme à quelques idées inédites au Musée de la danse !
Lygia Clark aura été l’occasion de rappeler combien les frontières entre abstraction et geste participatif sont moins définies qu’on ne le croit.
Le récit des ‟activités” réalisées par Vito Acconci dans son atelier, en 1970, aura permis de convoquer la mémoire, la performance physique et mentale, le visible et le non-visible de ces gestes répétés et documentés chaque jour.
Le deuxième jour d’expo zéro, nous avons décidé d’inscrire la présence des archives dans l’espace et dans le temps du musée, en instaurant un dialogue que le public pouvait écouter : un jeu de récitation de cotes reprises des dossiers d’archives permettait de convoquer par la parole un corpus de documents dans l’exposition. Nous prenions position, face à face, dans un espace qui changeait régulièrement – avec l’idée de transposer notre travail de recherche dans l’espace ouvert du musée, et d’en rendre accessibles quelques fragments. Tandis que l’une récitait sans discontinuer des listes de cotes telles qu’elles apparaissent dans un catalogue de bibliothèque, la seconde l’interrompait en décrivant le contenu de certains dossiers d’archives. Par la lecture de citations, par la description de photographies, des performances prenaient corps dans une pratique d’ekphrasis – une convocation des œuvres dans l’espace vide du musée. Cette récitation à deux voix jouait sur un entre-deux : d’un coté, l’abstraction du système de codification archivistique, de l’autre, la précision du document convoqué dans l’exposition (parfois décrit ou lu par extrait).
L’énonciation des cotes activait une rencontre possible entre les auteurs, les artistes, les œuvres et le Musée de la danse.
The doing and its trace
Every conceptual practice questions implicitly the function and the status of archive in art ; by looking in the Archives for some examples of conceptual works bringing into play this fluctuation between the doing and its trace, took form for us a body of words, sending back to different aspects of their relation: source, trace, leaflet, story, description, codification, classification, collection…
Everyone here can practise his own reading, from the few propositions that were put forward as a result of the opening of the archive boxes. When discovering them, everyone should feel free to invent his own experience of a possible expo zéro at the Dancing Museum.
During the exhibition, our contribution consisted in a six hours discussion, developed following our encounters with the visitors of expo zéro. One will have done ‟The Washing” with two high-school girls, interpreting the directions for use written by François Pluchart for the eponymous exhibition by Michel Journiac (Gallery Daniel Templon, March 2nd to 8th, 1969). One will have asked the public what artworks taken from History of art it would like to be washed with detergent (‟with a view to destruction-recuperation”), and what other works it would simply wish to wash in order to ‟still make a good use of them”. The proposition around Michel Journiac will have triggered a creative impetus, and given form to a few ideas unprecedented in the Dancing Museum!
Lygia Clark will have been the occasion to remind to what extent the borders between abstraction and participative gesture are less well defined than one currently believes.
The account of the ‟activities” produced by Vito Acconci in his studio in 1970 will have allowed to convoke memory, physical and mental performance, the visible and the non-visible of those gestures repeated and documented every day.
The second day of expo zéro, we decided to inscribe the presence of the archives in the space and time of the museum, by establishing a dialogue that the public could listen to: a game of recitation of the reference codes taken from the archive files allowed to convoke by speech a body of documents into the exhibition. We took place, facing each other, in a space that changed regularly – with the idea of transposing our research work in the open space of the museum, and to make a few of its fragments accessible. While one of us recited non-stop lists of reference codes as they appear in a library catalogue, the other interrupted her by describing the contents of some of the archive files. By the reading of quotations, by the description of photographs, performances took shape in a practice of ekphrasis – a convocation of the works into the empty space of the museum. This two-voice recitation played on an interspace: on one side, the abstraction of the system of archival coding, on the other, the precision of the document convoked into the exhibition (sometimes described or read by excerpts).
The stating of the reference codes activated a possible encounter between the authors, the artists, the works and the Dancing Museum.